Le Télégramme – Dimanche 22 novembre 2020 14:35 : Finistère. Le thé de Sibiril classé devant celui des Japonais et des Chinois
C’est en suivant son intuition que Michel Thévot s’est lancé, en 2018, dans la production de camelia sinensis (thé) dans la vallée du Guillec, à Sibiril (Finistère). Sa production vient d’être récompensée lors du concours de l’AVPA.
Le thé sibirilois s’avère être d’une qualité mondiale
Première vraie récolte de thé en juin 2020, avec Michel Thévot, Emile Auté (au premier plan) et ses collaborateurs sur les versants Ouest de la vallée du Guillec, à quelques pas de la mer.
Pari réussi pour Michel Thévot et Émile Auté, qui n’ont pas hésité à planter du thé. Ce dernier s’est classé troisième derrière Taïwan et le thé italien du lac de Côme.
Le thé sibirilois sera-t-il un thé d’exception ? C’est la question que se posait en juin dernier Michel Thévot, propriétaire de la plantation et Émile Auté, spécialiste et globe-trotteur à la recherche des meilleurs thés du monde.
La réponse est tombée la semaine dernière. Le thé poussant sur le versant sibirilois du Guillec s’annonce être d’une grande qualité.
L’histoire a débuté comme un conte de fée. Beaucoup prenaient Michel Thévot pour un doux rêveur : planter du thé à Sibiril, comme en Chine, en Inde ou dans d’autres pays asiatiques. Mais, ce passionné de botanique a fait fi de ces remarques étonnées, il s’est mis à planter en 2018 quelque 2 000 pieds de camélia sinensis, plante à partir de laquelle est fabriqué le thé.
Mais, planter du thé n’est pas tout. Ce passionné de botanique et restaurateur du moulin de Kerouzéré a fait appel à un voyageur au nom prédestiné, Émile Auté. Ce dernier a posé pied en terre léonarde pour travailler au côté de Michel Thévot. Tous deux ont jugé que le produit fini était de bonne qualité. Il a fallu rouler les feuilles de camélia sinensis fraîchement cueillies, les flétrir, les sécher et enfin faire du thé vert, blanc ou noir, cela dépend de l’état de flétrissage de la feuille.
Troisième place sur 198 thés présentés
Après avoir présenté le thé lors du concours de l’Agence pour la valorisation des produits agricole, auquel participaient de nombreux concurrents de toute la planète dont les spécialistes asiatiques, le résultat est tombé. « Parmi les 198 thés représentés, le nectar sibirilois a obtenu une brillante troisième place derrière Taïwan et le thé italien du lac de Côme, mais devant des thés japonais ou encore chinois », se réjouit Michel Thévot.
Au final, Michel Thévot va « agrandir sa plantation de 1 000 pieds supplémentaires, tout en faisant des émules en Bretagne ».
« On dirait un peu la Chine ici » sourit Michel Thévot. Et pourtant, nous sommes au moulin de Kérouzéré, à Sibiril dans le Finistère. Un climat doux et humide. Idéal pour cultiver du thé. Sur un terrain en pente, exposé plein Est, ce passionné de botanique bichonne les 2.000 pieds de camellia sinensis (ou théiers) qu’il a plantés en 2018. Et l’année 2020 s’annonce déjà comme un « cru » exceptionnel.
« Le climat du Léon : parfait pour le thé »
« Regardez, comme ils ont poussé, s’exclame le producteur finistérien. Les arbustes atteignent 70 cm de haut désormais. On a déjà fait quatre récoltes cette année. On en prévoit une cinquième fin septembre ».
Du thé en pays léonard, c’est plutôt singulier. Mais pas si étonnant, si l’on en croit ce spécialiste. « Le climat du Léon est parfait pour le thé : il ne fait jamais froid, il y a le Gulf Stream, les embruns, l’humidité qui remonte de la terre et une chaleur intéressante ».
La preuve que les théiers de Michel Thévot affectionnent ce terroir : chaque récolte produit vingt kilos de petites feuilles qui, une fois séchées, donneront trois kilos de thé.
« D’une récolte à l’autre, on n’obtient pas les mêmes arômes et pourtant c’est la même plante » – Michel Thévot
« Faire pousser, ce n’est pas un souci » confie cet homme passionné qui embrasse du regard les 2.400 mandariniers, citronniers, poivriers et autres plantes inhabituelles qu’il a fait grandir dans le parc du moulin de Kérouzéré.
Quand il s’est installé ici, il y a quinze ans, Michel Thévot a non seulement reconstruit le moulin, qui n’était à l’époque qu’un tas de vieilles pierres, mais il a aussi créé ce petit trésor botanique.
Produire du thé, un jeu d’enfant pour lui ? Presque. Car, il ne suffit pas de maîtriser la culture du camellia sinensis, il faut aussi savoir transformer les feuilles pour obtenir un thé blanc, vert, rouge ou noir à l’arôme inédit.
Oxydation particulière
C’est là qu’Emile Auté entre en jeu. Il est l’un des trois récoltants-producteurs français – les deux autres sont… en Bretagne : outre Michel Thévot à Sibiril, Denis Mazerolle produit lui aussi du thé mais dans le Morbihan, à Languidic.
« Je me suis rapproché d’Emile, raconte Michel Thévot, parce qu’il a une grande connaissance de la transformation de la feuille. Il y a été initié lors de ses voyages au Vietnam, notamment ». Une partie de la production de Sibiril est donc transformée sur place et également chez Emile Auté dans le Loir-et-Cher.
« Tous les thés, explique ce dernier, qu’ils soient blancs, verts ou noirs proviennent de la même plante. Le thé blanc, par exemple, est fabriqué à partir de jeunes bourgeons. Les feuilles sont séchées plus vite et peu travaillées ».
A gauche, les feuilles de thé fraîchement récoltées.
A droite, les feuilles déjà transformées qui viennent d’être infusées.
En revanche, pour obtenir des thés rouge ou noir, la méthode est plus complexe car les feuilles subissent une oxydation plus longue. « On laisse déjà les feuilles à l’ombre pour qu’elles soient ramollies. Cela permet de les rouler sans les briser. Le roulage favorise leur oxydation et le développement du goût ».
Thés de terroir
Et puis il y le thé à mi-chemin entre le vert et le noir : le oolong. Un thé auquel Michel Thévot a dédié sa quatrième récolte de l’année.
Comme Emile Auté est un maître des saveurs et qu’il défend la notion de thés de terroir, dont le goût refléterait le lieu où il a été planté, il a eu l’idée de plonger les feuilles dans un bain de vapeur au miel avant leur transformation. Mais pas n’importe quel miel : celui produit par les abeilles qui viennent butiner les arbres et plantes dans le parc du moulin de Kérouzéré. Résultat : un thé « rare et original » selon les deux connaisseurs.
En 2021, je planterai 1.000 théiers supplémentaires. Pour l’instant, ils sont conservés en pot dans une serre.
Michel Thévot
L’histoire du thé fabriqué à Sibiril ne s’arrête pas en si bon chemin. Elle prend même une dimension internationale. Michel Thévot présentera le thé issu de la première récolte 2020 au concours des thés du monde organisé par l’Agence de valorisation des produits agricoles (AVPA) à Paris, en novembre prochain.
Le thé du Léon face aux thés de Chine, d’Inde ou encore d’Afrique, un voyage aux saveurs éclectiques. Un goût d’ici et d’ailleurs.
Carole Collinet-Appéré
Extraits du Télégramme, d’Ouest-France et des publications de France 3 Bretagne
DMS