Le rouge-gorge

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Gwenn ha Du 1923
Gwenn ha Du 1923

Le plus familier des oiseaux de nos jardins, c’est assurément le rougegorge.

Sa présence constante aux abords de nos foyers l’a fait entrer de plein droit dans le monde des humains, à tel point que dans certaines parties du Trégor, on parle de lui comme d’une petite personne et on lui a même donné divers prénoms : ici, c’est petit Paul, « Poluig« , là c’est petit Jean, « Jañig« , Yannig, ailleurs petit Pierre, « Pipi » ou « Pêrig« , ou encore petit Alain, « Alanig« .

Quant à sa compagne, on l’appelle Marguerite, « Marc’harid« .

Ainsi baptisé, le rouge-gorge fait bien partie de la famille. La tache rouge qui orne sa poitrine entre également dans la composition de son patronyme. La richesse dialectale du breton fournit six appellations différentes pour la seule région de Lannion : Poluig, Ruchodenn, Alanig kof ruz, Jañig kof ruz, Boderuig et Pichiruz.

Dans le secteur voisin de Bégard-Pont-Melvez, on a plutôt assimilé l’oiseau au chasseur de lombrics : Born buzhug, le borgne des lombrics.

Cette kyrielle de noms révèle la relation affective qui unit le passereau aux humains. C’est pourquoi on le protège et l’on met en garde dénicheurs et chasseurs :
An hini a lac’h ar bichiruz, Celui qui tue le rouge-gorge
A gouez en tan pe el ludu. Tombe dans le feu ou dans la cendre.

S’il est un homme dont le rouge-gorge affectionne particulièrement la compagnie, c’est le jardinier, celui de Jardin passion, bien sûr. Évoquons pour quelques instants une rencontre au potager entre les deux compères.

Depuis toujours le rouge-gorge a été l’ami de l’homme et surtout l’ami du jardinier. Du matin au soir, on voit ce petit oiseau voleter autour de la maison. Il est chez lui dans le jardin, il saute d’une branche sur l’autre, il sautille au sol à la recherche de quelques miettes. Il ne laisse aucun autre de sa race approcher, sauf s’il s’agit d’une femelle au temps des amours.
On ne séparera pas le coq de la poule, Lamfet ket ar c’hog digant ar yar
Ni Jean le rouge-gorge de sa compagne. Na Yannig ar richodell digant par.

Il veut être le maître des lieux. Il aime se montrer; il fait son fier, il bombe le torse : « Regardez, a-t-il l’air de dire, regardez comme mon plastron est bien coloré ! »

Quand le vieux jardinier sort de la maison, le rouge-gorge est immédiatement derrière lui. Le petit insectivore et vermivore sait qu’il y aura tout à l’heure quelques larves, un vers ou deux à becqueter. Au jardin, posté sur un perchoir, il attend donc, que le vieil homme pèse et peine sur sa bêche; et voici que le petit drôle se met à chansonner en saccades :
« – Tu l’as ridée, tu l’as ridée, mon vieux ! » Ridet eo dit ! ridet eo dit ! ridet eo dit !
« – Oui, sûr, elle est ridée ! », répond le vieux jardinier en s’essuyant le front.

DG