La coccinelle

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La coccinelle

Aucun insecte n’est plus respecté par l’homme des campagnes que la coccinelle. D’où lui vient une telle considération ? Sans aucun doute, du travail remarquable qu’elle effectue dans les vergers en débarrassant les arbres fruitiers de nombreux parasites mais aussi sans doute d’une tradition qui la place sous la protection de Dieu.

Cocinelle 002
Cocinelle 002

Sur l’ensemble du territoire français, elle porte divers noms de baptêmes, plus affectueux les uns que les autres mais en Bretagne gallèse, c’est le nom de bête à bon Dieu qui prévaut. En breton, sa désignation indique aussi son appartenance divine.

On la nomme : Buoc’hig an Aotrou Doue petite vache du bon Dieu. Il est intéressant de noter qu’outre-Manche, elle fait partie, si l’on peut dire, de la même arche de Noé. En Angleterre, elle est vache, ou oiseau de la Vierge Lady cow, Ladybird.

La coccinelle était un insecte pour ainsi dire sacré. « Ma mère nous interdisait de la tuer »  confirme un ancien, parce que, comme le rouge-gorge, elle avait épongé les plaies du Christ sur la croix. Mais Satan, voyant cela, lui avait jeté de la cendre sur le dos. Depuis ce temps là, elle est rouge avec des points noirs sur ses élytres. Depuis ce temps-là aussi, elle exsude du sang lorsqu’on la pose dans un crachat.

Les enfants ne se privaient pas de lui faire revivre ainsi la Passion du Christ. Ils disaient lorsqu’elle saignait : sell, o c’houl pardon ‘mañ, regarde, elle demande pardon. Cela n’était pas du goût des parents qui craignaient les conséquences d’un tel geste. Pour les dissuader de tourmenter l’insecte, ils leur répétaient que c’était en fait le sang de Dieu qu’ils faisaient couler et que cela leur porterait malchance.

Aux premiers temps de la Création du monde, on raconte que la coccinelle était montée aux cieux pour rapporter l’eau sur terre. A la suite de cette bonne action, elle avait gardé des relations privilégiées avec le ciel. On en profitait pour lui demander quelques faveurs.

Tous ceux qui ont été élevés à la campagne auront sans aucun doute conservé le souvenir d’avoir, dans leur enfance, fait grimper le petit coléoptère le long de leur doigt pour le
prier de s’envoler, en fredonnant les rimes suivantes, tant en français qu’en breton :
Coccinelle, coccinelle,
Monte au ciel, Jésus t’appelle
Petit ange, vole, vole.
Si le bon Dieu m’aime, t’envole,
S’il ne m’aime pas,
Ne t’envole pas.
Buoc’hig Doue, me ho ped,
Ma zreminit dreist ar gled
Ma c’haset d’ar baradoz,
Me ho supli deiz ha noz

Cocinelle 001
Cocinelle 001

Petite vache de Dieu, je vous prie,
Passez moi par-dessus la barrière,
Emportez-moi au paradis,
Je vous supplie jour et nuit

Ainsi la coccinelle devient-elle un médiateur entre les hommes et Dieu. En montant au ciel, elle rassure les petits croyants, devient un ange et leur garde une place au paradis.
La tradition populaire lui attribue encore d’autres pouvoirs, celui notamment d’être le baromètre des cieux et celui des coeurs. Les gestes restent les mêmes, seules les formulettes
changent. En voici un premier exemple :
Petite bête, vole, vole,
Si tu voles, il fera beau dimanche,
Si tu n’voles pas,
Dimanche il pleuvra

Par ailleurs, en comptant les taches noires sur les élytres de la coccinelle, les enfants savent combien il leur reste d’années à attendre avant le mariage.

DG