La permaculture

Conférence de Jean Luc PICHON le vendredi 1er décembre 2017 à l’Espace Sainte Anne – Lannion

Pour commencer, un peu de théorie : en observant une plante qu’il avait fait brûler, Justus Von LIEBIG, chimiste allemand, avait conclu, à tort, que les éléments présents dans les cendres, azote (N), phosphore (P) et potasse (K), nourrissaient les plantes. C’est encore de nos jours cette triade NPK qui règne sur l’agriculture chimique. Liebig présenta sa découverte dans de nombreuses publications et les produits chimiques de synthèse connurent rapidement un développement considérable. Les résultats furent bons au début pour les agriculteurs puis des maladies apparurent et avec eux, les produits chimiques en …cide pour les éradiquer (fongicide, insecticide, herbicide, etc). C’est l’homme qui avait le savoir et qui contrôlait la Nature !

Avec le temps, on a pu constater les dégâts causés à l’environnement par ces engrais et produits chimiques et qui plus est, les besoins croissants pour produire autant ou plus sur une terre qui s’épuise. Pour une tonne de blé produite, il faut une demi tonne d’énergie fossile ! En 2012, 66 600 T de pesticides ont été utilisés. Quand on sait que un gramme de pesticide rend impropre l’eau de 3 piscines olympiques…

Et puis certains se sont dits « voyons ce que fait la Nature ». Dans les forêts, on peut voir des arbres de plus de 10 m de haut qui poussent sans l’aide de l’homme et souvent sur les terres les plus ingrates contrairement aux terres cultivées. Claude BOURGUIGNON, ingénieur agronome français, est le premier à constater, dans les années 1970, que les sols sont en train de se dégrader en perdant leurs populations microbiennes et fongiques ainsi que leurs nutriments et en s’érodant de manière accélérée. Il a fallu attendre 2012 pour que l’INRA s’intéresse à ce sujet et crée une unité de recherche sur le sol.

Conseil livre : « le génie du sol vivant » – auteur Bernard BERTRAND – édition de Terran [Nous l’avons dans notre bibliothèque JPL]

La permaculture part du concept que le sol est vivant : 1 gramme de terre contient plusieurs millions de bactéries. Il suffit de comprendre et de respecter cette vie. L’idée est prise au sens large : le sol et son environnement. Petits animaux tels que reptiles, oiseaux, hérissons, batraciens etc peuplent notre jardin ainsi que papillons, abeilles, syrphes, coccinelles, libellules et autres insectes volants. Au sol, les fourmis, carabes, cloportes, araignées, vers de terre… La terre est composée de matière minérale provenant de l’érosion des roches et de matière organique, l’humus, provenant de la décomposition partielle des végétaux. La flore microbienne y est très variée. Elle comprend des bactéries, des champignons, des protozoaires, des algues, des virus mais les bactéries sont les représentants les plus importants quantitativement. Pour les champignons, il en existe 70 000 espèces répertoriées ; ils mangent la lignite du bois. Ils ont une association symbiotique avec les racines des plantes : les mycorhizes. Tout comme les champignons, certaines bactéries sont capables de dégrader des substances insolubles d’origine végétale comme la cellulose, la lignine, de réduire les sulfates, d’oxyder le soufre, de fixer l’azote atmosphérique et de produire des nitrates. Les bactéries jouent un rôle dans le cycle des nutriments des sols, et sont notamment capables de fixer l’azote. Elles ont donc une fonction importante dans la fertilité des sols pour l’agriculture. Les bactéries abondent au niveau des racines des végétaux avec lesquels elles vivent en mutualisme. Elles ont mis en place des stratégies pour s’adapter aux périodes sèches.

A notre niveau, humbles jardiniers, que pouvons-nous faire ? D’abord et avant tout, aider et stimuler la vie qui est dans le sol. Plus il sera vivant, plus il y aura de signes d’activités et plus notre terre sera fertile et peut-être, nos récoltes abondantes…

N’hésitons pas à introduire une grande diversité végétale, à mélanger les espèces : légumes et fleurs font très bon ménage. Plus les auxiliaires butineurs auront ce qu’il faut pour manger et nourrir leurs petits, plus ils resteront sur place et pourront polliniser les tomates, cucurbitacées et autres légumes ainsi que les arbres fruitiers.

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On aperçoit les coloris vifs des fleurs de capucines ; elles s’installent facilement dans les jardins et se ressèment à volonté. Je m’en sers comme engrais vert en les fauchant puis en les étalant sur le sol. La bourrache est mellifère et ses fleurs d’un joli bleu peuvent être ajoutées en salade dans les plats cuisinés. J’ai un coin de consoude que je laisse prospérer. Elle a des racines très profondes ; elle est riche en potasse et transforme la matière organique. Elle a l’avantage de fleurir très tôt en saison. Je la coupe aussi pour l’épandre sur la terre. On aperçoit aussi d’autres fleurs telles que le zinnia, les cosmos. J’ai aussi du liseron que je n’ai pas choisi, ni encouragé à pousser au jardin. Je paille pour le dissuader un peu mais je préfère le laisser fleurir et l’arracher à ce moment-là pour l’affaiblir. Evidemment, il y a d’autres mauvaises herbes mais elles ont aussi une utilité, elles remontent à la surface des nutriments et elles gardent l’humidité du sol. Tout est une question d’équilibre !

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Outre la diversité végétale, un autre principe de base est de garder un sol couvert toute l’année. De préférence, on choisit du foin non traité à étaler sur une bonne épaisseur ; pas de crainte à avoir, il n’y aura pas de graines à pousser. Les avantages de cette technique sont nombreux :

  • plus besoin de bêcher la terre, les vers de terre vont l’assouplir à notre place
  • sarclage limité, les mauvaises herbes pousseront peu par manque de lumière
  • arrosage réduit, la terre restera humide sous sa couche de protection
  • plus de sol damé par les pluies, la terre est bien à l’abri
  • limitation des grandes amplitudes thermiques

Cas particulier du sol dans les serres et tunnels. La terre s’épuise beaucoup plus vite et la rotation des cultures n’est pas si simple à gérer. Pour ma part, j’utilise la technique de la lasagne. Si le sol n’est pas très propre, envahi par du chiendent ou d’autres herbes difficiles à éliminer, il faut d’abord étaler une belle couche de carton brut en prenant soin d’enlever le scotch et de le choisir sans encre colorée. Ensuite, on intercale plusieurs couches de « brun » puis de « vert » pour former un bon matelas d’au moins 50 cm. Chacun a un rôle bien précis et des matériaux différents.

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Le brun comprend les feuilles mortes, le BRF (résultat du broyage de rameaux et petites branches vertes Ø < 7 cm), la paille de céréales, le fumier décomposé, la sciure et les copeaux de bois. Ces déchets sont riches en carbone.

Le vert apporte l’azote avec les tontes de pelouse, les déchets de fruits et légumes. les fauches fraîches de consoude ou ortie. Il permet au brun de se dégrader car seul, celui-ci pomperait dans le sol pour couvrir ses besoins, d’où la faim d’azote qui affaiblit parfois les végétaux quand l’apport n’est pas équilibré.

On arrose chaque couche de matériaux avant de rajouter la suivante. On termine par un apport de terre ou de compost avec un dernier arrosage puis on mulche ou on paille. On peut y planter rapidement des végétaux en godet et de ce fait, il est préférable d’effectuer tous les petits semis en petits pots ; on y gagne en temps et en efficacité.

Cultiver sur des couches en lasagne bouleverse quelque peu nos habitudes de jardiniers. Le semis ou la plantation ne changent pas mais l’organisation de l’espace, l’appréhension globale de la terre et sa préparation, le choix des cultures et jusqu’aux gestes d’entretien courant vont devoir changer. Mais cela permet de s’adapter plus facilement au sol qui nous entoure, quel que soit son état.

Quelques conseils de culture :

On peut faire de l’infusion de compost pour « bouster » la terre. On le réalise avec 20 litres d’eau de pluie, 500 gr de compost, un peu de sirop de sucre. On met un bulleur pour apporter de l’oxygène et favoriser le développement des bactéries. Au bout de 24 à 36 h, le mélange prend une couleur café et beaucoup de mousse apparaît en surface. Rajouter 5 litres d’eau, l’infusion est prête.

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On peut utiliser l’ortie nature en paillage plutôt qu’en purin mais sans excès car elle apporte beaucoup d’azote.

Le courge de Nice est très rustique. Elle a l’avantage de pouvoir être mangée petite et son goût est bien meilleur que la courgette. A maturité, elle vire à l’orangé. Le potimarron est aussi très intéressant au niveau gustatif. On peut le cuire avec sa peau et mouliner le tout pour faire une soupe.

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La culture de la pomme de terre est très facile : on met le tubercule en terre juste à effleurer puis on recouvre de paillage ou de foin sur 15 cm d’épaisseur. Les jeunes pousses sortiront à travers la couche de mulch. La récolte de primeurs se fera 2 mois à 2 mois 1/2 après ; elle se fait aisément en écartant la couverture, pour le plus grand bonheur des enfants… Ca fait comme un petit nid !

Pour les choux, carottes et poireaux, pas de solution miracle contre les mouches, piérides et autres insectes volants, prédateurs de nos cultures. Il faut installer des filets, aux mailles plus ou moins serrées suivant la taille de l’insecte, et bien jointif surtout pour la mouche de la carotte.

Profitons de l’automne pour ramasser les feuilles mortes et les étaler sur le sol, c’est une bonne source de carbone. JGG

Quelques conseils de lecture : Guide du nouveau jardinage de Dominique SAULTNER – Le Manuel des jardiniers sans moyens des Anges gardiens – Le bio Grow Book de Karel Schelfhout et Mig

  Disponible à la bibliothèque de JPL

Potager en lasagnes
Remettez-en une couche  !   Une pratique écologique originale qui consiste à empiler des couches de matériaux compostés de nature différente, recouverts d’une couche de terreau finale, pour y effectuer directement des plantations. Cela permet de jardiner là où il n’y a pas de sol, ou un sol de qualité médiocre (tout petits jardins, cours et balcons, sols et remblais, jardins à l’abandon…).

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